Il faut, pour comprendre cela, s’intéresser à l’évolution du rivage depuis 2000 ans. A l’époque où les Romains conquièrent la Gaule, la côte est située au bord du plateau du Ponthieu, c’est-à-dire un peu à l’est du tracé de la voie ferrée Paris-Calais.
Seuls émergent quelques îlots battus par les vents et la marée et de modestes buttes où sont actuellement implantés les villages de Quend, Rue, Saint-Quentin-en-Tourmont, le Crotoy, et ça et là, des bancs de sables ou de galets.
La côte n’est guère hospitalière et on peut supposer que les hommes n’y viennent qu’épisodiquement pour pêcher ou ramasser des coquillages.
Les Romains, qui n’aiment pas les marécages, assèchent partiellement et réalisent une route de Rue à Quend.
La période troublée des premiers siècles de l’ère chrétienne (invasions barbares) ne nous donne guère de renseignements historiques.
Pour cela, il faut attendre le VIIème siècle : la paix revenue, la religion chrétienne revient en force et les moines irlandais évangélisent les côtes de la Manche.
En même temps se produit un phénomène géologique d’une importance considérable : à cause d’un brusque réchauffement de la terre, les glaces du pôle fondent et le niveau de la mer augmente brusquement d’environ 5 mètres en quelques dizaines d’années, envahissant tout sauf les îlots les plus élevés.
Sur les côtes normandes, la mer attaque alors le plateau et forme des falaises. Les matériaux arrachés sont entraînés vers le nord par le courant : les plus lourds -les galets- se déposent d’Ault à Cayeux ; les plus légers -les sables- franchissent la Baie de Somme et se déposent presque jusqu’à Boulogne.
C’est le début des dunes. Entre le plateau et les dunes naissantes, les hommes vont s’employer à conquérir l’espace en construisant des digues. C’est la naissance du Marquenterre qui existera en tant que commune en l’an 1199.
Pendant près de six siècles les habitants de cette communauté paysanne vont se battre contre les éléments (mer, sable, vent) et contre les accapareurs de terre.
On peut estimer qu’au XIIIè siècle, la Baie d’Authie était située 4 km plus au sud. Pour avoir une idée de l’évolution, il suffit de mesurer la distance entre la digue construite à l’époque de Louis XI (1461) de Quend à Routhiauville et la dernière (1860) qui limite actuellement le sud de la Baie d’Authie : près de 3 km !
Pour les dunes, sera construit un poste de garde avec une tour vers la fin du XVIIè siècle (à cause de la guerre avec les Anglais) dit “Corps de Garde de la Dune Blanche” pour surveiller l’entrée de la Baie d’Authie. Depuis, les dunes ont progressé de 3 km vers le nord. Ce corps de garde devait être à peu près au nord du Casino. Il fut démantelé en 1815.
C’est en 1790 que les premières maisons (simples masures de bergers) seront construites au bout des actuelles rues de l’Yser et de Robinson. Ce hameau fut appelé Fort-Mahon. L’année suivante la commune du Marquenterre était dissoute au profit de deux communes : Quend et Saint-Quentin-en-Tourmont.
En 1791, Fort-Mahon et les dunes ne font pas partie de Quend, mais de Saint-Quentin en Tourmont. C’est en 1899 que Quend récupérera un front de mer. Entre temps, les dunes qui avaient appartenu au comte de Valois, ont été achetées par un Mr Petit. Ses fils créent une route et vendent des terrains. Cela se passait en 1886 : Fort-Mahon-Plage était née en tant que station balnéaire. Elle se séparera de Quend et deviendra une Commune en 1923.
Jean Pierre Pérard
Une autre histoire et peut être pas la dernière
Ma curiosité sur les origines de Fort Mahon Plage m’a conduit vers un site très officiel :
L’inventaire général du patrimoine culturel des hauts de France que chacun peut consulter à l’adresse suivante :
https://inventaire.hautsdefrance.fr/dossier/la-station-balneaire-de-fort-mahon-plage/16d1c307-a36a-4df6-ada7-bc2f855abc46#top
Il était une fois Fort Mahon Plage
Historique
Avant le développement de l’activité balnéaire de la fin du 19e siècle, l’actuelle station de Fort-Mahon-Plage n’est qu’un espace dunaire nommé La Garenne, dépendance de la commune de Saint-Quentin-en-Tourmont qui se développe le long du rivage entre baie de Somme et baie d’Authie.
Le 13 Vendémiaire de l’an VI (1797), les terrains qui faisaient partie de l’apanage du comte d’Artois (qui possédait une maison de chasse sur l’actuel territoire de Saint-Quentin-en-Tourmont, source : Dufetelle) sont aliénés par le gouvernement à divers propriétaires privés.
Selon un guide touristique de la fin du 19e siècle, parmi les propriétaires successifs on peut citer : le prince de Rohan, le comte de Butler, la marquise de Calonne.
Selon une source d’archive (A.D. Somme : 2 Q 50), il faudrait ajouter à cette liste un certain Sombred, juge de Paix à Rue qui revend par la suite la garenne à la famille Lagrenée.
Suivant acte reçu par Me Danicourt, notaire à Péronne, le 20 août 1845, les héritiers Lagrené vendent l’ensemble des garennes de Fort-Mahon à deux principaux propriétaires, le Marquis de Croix et la comtesse de Bryas (source : A.D. Somme, 2 Q 46).
Une opération de bornage entre les propriétaires privés et l’état est effectuée entre le 11 juin 1851 et le 12 octobre 1851, afin de poser 33 bornes, dont le procès-verbal est agréé par le préfet de la Somme le 9 mars 1852.
C’est Louis-Constant Petit, propriétaire demeurant à Asnières (Hauts-de-Seine), qui, par ses acquisitions inaugure une nouvelle ère, liée à la villégiature en bord de mer.
Suivant acte du 24 juillet 1879, il devient en effet propriétaire des terrains de la Marquise de Querrieu, du comte de Rohan, et suivant acte du 7 novembre 1880, il acquiert une partie de ceux d’un certain Debray (source : A.D. Somme, 99 O 1766).
Il est propriétaire de 441 hectares de dunes. Mais c’est à partir de décembre 1887 que ses projets semblent se préciser, date à laquelle il demande le bornage de ses terrains afin de pouvoir les vendre. Très rapidement, il commence à aménager son domaine en perçant une voie principale menant à la plage, perpendiculaire à celle-ci, longue de près de 1,5 kilomètres et large de 25 mètres (cahiers des charges de 1892 et 1894) (source : A. D. Somme, 99 O 1766).
Cet accès favorise l’implantation de villas en front de mer, construites pour des Amiénois et des Franciliens.
Entre temps, la plage proprement dite est l’objet de tractations quant à l’obtention du droit de concession afin de placer des cabines de bains.
Un certain Michel Bonnefond, demeurant à Paris, qui avait acquis le 2 janvier 1886 quelques 120 hectares de dunes à Petit, comme il l’indique lui-même dans un guide qu’il rédige, demande à la préfecture de la Somme en août de la même année d’obtenir ‘le droit exclusif des cabines et celui d´enlever les varechs qui encombrent la plage à chaque marée’.
Son projet est de fonder une ‘plage à bon marché, chose qui n´existe pas encore en France’ (A.D. Somme : 2 Q 46).
Mais Bonnefond est en concurrence avec un certain John Laurent, dont nous ne savons rien. La solution adoptée par l’Administration des Domaines est alors d’effectuer une mise aux enchères conditionnée par un cahier des charges en date du 13 février 1887 [voir annexe 1], remportée par Bonnefond. Les premiers équipements en place assurent l’accueil et le transport des baigneurs.
Au centre de l’avenue, l’Hôtel de la Tour est construit entre 1886 et 1889 (imposition du cadastre en 1889) pour Hyppolite Delalain, charpentier à Fort-Mahon.
Une halte de chemin de fer étant construite dans la commune de Quend, vers 1891, le long de la voie Paris-Calais via Amiens, un tramway est rapidement mis en place afin d’assurer une liaison avec la plage de Fort-Mahon, sur 9 kilomètres de parcours : une gare est construite entre 1903 et 1905 (imposition du cadastre en 1905) au centre de l’avenue menant à la plage.
Les premières maison de villégiature sont construites en front de mer et le long de l’avenue.
L’ensemble de ces aménagements contribuent à la mise en valeur de la jeune station balnéaire, et attire l’intérêt de quelques spéculateurs fonciers.
Jusque dans les années 1930, plusieurs sociétés se succèdent pour la gestion du foncier de la station, parallèlement à des initiatives privées. Ainsi, suivant acte du 25 décembre 1907, Louis Petit vend une partie de ses terrains à Alphonse-Paul Lambert, propriétaire à Paris, qui fait très rapidement un apport à la Société Anonyme de la Plage de Fort-Mahon (acte du 1er février 1908), dont le siège social est à Paris (source : A.D. Somme, 99 O 1766). Le 03 (ou 16) octobre 1913, est constituée, à Londres, la Compagnie Immobilière de la Manche Limited qui suivant acte du 20 novembre 1913 acquiert les terrains de la Société Anonyme de la Plage de Fort-Mahon sus-citée, pour l’équivalent de 200.000 francs, ainsi que ceux de la Société Hôtelière de construction et d’exploitation, soit 132 hectares de dunes.
Un certain René Plassart, industriel demeurant à Paris est alors administrateur de cette société anglaise basée à Londres (source : A.D. Somme, 99 O 1766).
Enfin, une partie de ces terrains est ensuite rachetée par la Société Anonyme Foncière et Immobilière de Fort-Mahon-Plage, créée à Paris sous seing privé le 15 mai 1930. Cette société au capital de 7 millions de francs devient propriétaire de 227 hectares d’un seul tenant, tout en mettant une option sur 160 hectares supplémentaires sur les propriétés Petit et Deseille [fig. 4].
Pendant toute la première moitié du 20e siècle, la station connaît une croissance progressive. Des maisons, immeubles à logements, hôtels de voyageurs et colonies de vacances sont édifiés.
Une briqueterie est construite vers 1909 par Jean Van de Meyer Broeckhoven, établi à Anvers (Belgique).
Située en plein coeur de la station (actuelle place du Maréchal-Leclerc), elle assure les besoins en matières premières pour les constructions d’hébergements.
Au cours de l’entre-deux-guerres, Fort-Mahon attire de nombreuses familles, à la recherche d’espaces sains :
la vaste plage de sable qui réfléchit les rayons du soleil est considérée comme un atout pour la bonne santé des enfants.
Suite aux lois d’urbanisme de 1919 et 1924, soumettant notamment les lotissements à autorisation préfectorale, de nouveaux lots sont créés par des particuliers, propriétaires de vastes parcelles au sein du grand lotissement originel.
C’est aussi au cours de l’entre-deux-guerres que la jeune municipalité (la commune de Fort-Mahon-Plage est créée en 1922) dote la station d’un certain nombre d’équipements jusqu’alors gérés par des privés.
La construction d’un bureau de poste en 1929-1930 à l’entrée de la station balnéaire consacre la ville nouvelle comme centre administratif de la commune.
Un groupe scolaire est construit en 1936-1937 et la mairie lui fait face en 1959.
La station est aussi consacrée centre religieux en 1931, date de construction de l’église paroissiale à l’emplacement d’une ancienne chapelle élevée vers 1891 par Petit et Watel, pour les besoins des baigneurs .
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, on estime entre 15000 et 18000 le nombre de baigneurs logés à Fort-Mahon-Plage.
Le second conflit mondial vient interrompre cet élan :
la station est occupée par les troupes allemandes, la plage interdite, des blockhaus sont érigés sur les dunes.
Des maisons, hôtels de voyageurs et immeubles sont occupés, vidés de leurs planchers.
Afin de libérer l’espace visuel et faciliter la défense de la côte, l’ensemble des villas construites en front de mer est détruit, ainsi qu’un certain nombre de celles situées à l’arrière de cette ligne.
A la Libération, Fort-Mahon-Plage est un grand champ de ruines. Sur 1053 immeubles existant avant guerre sur l’ensemble du territoire communal, 250 ont été totalement détruits, majoritairement dans la station (source : A.D. Somme, 1102 W 334).
L’arrêté ministériel du 19 mai 1945 déclare la commune sinistrée, ce qui induit la mise en place d’un plan de reconstruction soumettant toutes les constructions nouvelles à une autorisation préalable.
L’architecte urbaniste Lecompte, chef du service départemental de l’urbanisme et de l’habitation de la Somme est désigné le 18 juin 1945. Il établit un premier projet le 16 juin 1946 [annexe 4] appliqué partiellement,
le projet d’extension de la station vers le nord étant abandonné. A partir de 1950, le front de mer est reconstruit par le service des Ponts et Chaussées : une digue en béton est édifiée, une rue est gagnée sur la plage (les esplanades nord et sud aussi appelées Terrasses maritimes).
La seconde tranche de travaux porte sur la construction d’un parc à automobiles au débouché du boulevard maritime nord, et le prolongement du boulevard maritime sud, au-delà de l’esplanade. En 1958, l’Administration du Domaine cède les terrains nécessaires à la création de la courbe du boulevard maritime nord.
La période de l’après-guerre est caractérisée par une reprise des constructions, grâce aux dommages de guerre.
Les propriétaires des maisons sinistrées reconstruisent sur la même parcelle ou s’en voient attribuer une autre.
Quelques-uns décident de transférer les dommages dans une autre ville.
La station, dont la clientèle est populaire, voit de nombreux campings sauvages se développer.
Depuis les années 1970, la station connaît un développement urbain vers le nord, et le front de mer est progressivement prolongé vers le nord et le sud.
La station connaît dans un premier temps (fin 19e siècle) une croissance parallèle au front de mer.
L’artère principale de la station, perpendiculaire à la plage qu’elle a pour principale fonction de desservir, sert ensuite d’ossature aux voies perpendiculaires formant îlots.
Cette avenue principale reçoit des villas mais aussi tous les commerces, les maisons de villégiature se concentrant le long de la plage et dans les rues perpendiculaires.
La place de Paris, au centre de l’avenue, marque une rupture dans le paysage urbain : point culminant de la voie, c’est à partir de ce point que l’on peut percevoir la mer.
Mais c’est aussi depuis cette place que l’on perçoit le plus l’omniprésence des dunes enserrant la station, due à l’absence de constructions au nord et au sud de cet espace libre.
Les îlots, de tailles diverses, sont tous coupés au cordeau, orientés nord-sud et ordonnancés par rapport à l’avenue principale.
Les parcelles, de petite taille, presque uniforme, reçoivent des constructions soit à l’aplomb de la rue soit en milieu de parcelle.
Malgré les destructions de la Seconde Guerre mondiale, il subsiste des constructions du début du 20e siècle, de beaux exemples d’architecture régionaliste de l’entre-deux-guerres, qui côtoient une architecture de la Reconstruction.